Quand le processus l’emporte sur le résultat…

Après plusieurs jours de « gossage » de roches et de baignades au cœur du Hardangerfjord, j’ai l’impression de sentir autrement les reliefs de cet endroit si particulier. Je regarde la configuration des montagnes, les courbes creusées par la mer, je touche les textures, je constate la conductivité thermique de la pierre… J’ai la curieuse sensation d’expérimenter une façon de travailler qui me permet d’apprécier différemment l’environnement. C’est étrange et ça ne m’était jamais arrivé auparavant. En sculptant la matière, je prends conscience que d’effectuer des gestes manuels répétés, en lien étroit avec un lieu et ce qui le compose, peut changer ma perception.

J’imagine que mes amis artistes, particulièrement les danseurs, vont trouver banale cette constatation, mais pour moi ces moments de présence sont importants. Ils me rappellent à quel point le processus de création est essentiel et plus signifiant que le fait d’atteindre des résultats. Le lâcher-prise nécessaire au développement de nouvelles idées est insécurisant, car cette étape se caractérise par de multiples allers-retours et par de nombreuses déceptions. Dans ces instants de doute, c’est vraiment aidant de se retrouver dans un milieu artistique qui comprend cette phase exploratoire, indispensable à ma création. Ici, je me sens soutenue et il n’y a pas de pression liée à la performance. En ce sens, je suis très reconnaissante envers KHMessen et les artistes que je côtoie en Norvège, incluant les hôtes et les visiteurs qui ont participé à notre atelier-ouvert. Grâce à ce contexte de résidence artistique et à ces personnes extraordinaires, je fais de merveilleuses découvertes à la fois humaines et artistiques.